Les opérateurs d’énergies renouvelables l’attendaient avec impatience et ce, depuis l’instruction de la Direction générale de l’Energie et du Climat du 16 septembre 2022 – Instruction n° ENER2226074C- annonçant de nouvelles mesures législatives concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’Etat.
C’est chose faite : la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 fut promulguée le 10 mars 2023 et, validée pour la plupart de ses dispositions, par une décision du Conseil Constitutionnel du 9 mars 2023 – décision n°2023-848. Il ne manque plus que ses décrets d’application.
Plusieurs dispositions de ce texte sont destinées à favoriser le développement de l’éolien et, entendent ainsi tenir compte des particularismes territoriaux.
Le législateur veut sécuriser les opérateurs en instaurant une présomption d’intérêt public majeur.
Selon, le nouvel article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, les projets d’installations et de stockages de production d’énergies renouvelables bénéficieront d’une telle présomption lorsqu’ils satisferont aux différents critères légaux.
Les conditions de cette présomption seront définies par un décret en Conseil d’Etat.
Celles-ci seront établies, à la lecture de l’article L.211-2-1 du Code de l’Energie, en tenant compte “du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)“.
Ce sont donc les futures dispositions du décret d’application qui vont rendre, en principe, moins difficile, la réalisation des installations et du stockage de l’énergie ainsi produite.
Dès lors, les projets éoliens, dans la lignée du règlement européen n° 2022/2577 du 22 décembre 2022, pourront bénéficier plus aisément d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées; prohibition instituée à l’article L.411-1 (I) du Code de l’environnement.
Cette dérogation n’est acquise que si le projet relève d’un “intérêt public supérieur”.
En effet, ces projets en tant que tels, présentent un risque caractérisé d’atteinte aux espèces protégées et/ou à leurs habitats. Si le risque existe, ils doivent faire l’objet d’une dérogation préfectorale.
L’article L. 411-2 du Code de l’Environnement subordonne l’octroi de cette dérogation à plusieurs conditions cumulatives : le projet sera justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, aucune solution de substitution ne doit être envisageable et la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Toutefois, l’octroi de cette dérogation suscite depuis longtemps un contentieux important, source d’insécurité pour les porteurs de projet.
Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs rendu un avis le 9 décembre 2022 – avis n° 463563- énumérant les hypothèses pour lesquelles le pétitionnaire devait demander une dérogation tout en précisant les éléments d’appréciation dont l’autorité administrative devait tenir compte.
Pour autant, un tel avis était insuffisant dans le silence des textes pour apporter une sérénité suffisante en la matière.
Il était devenu indispensable, d’inscrire, dans le marbre, les conditions permettant à une installation de production et de stockage d’énergie renouvelable de bénéficier d’une telle dérogation.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars dernier, notamment, de ce point précis.
Il était reproché au nouveau texte et, donc à l’article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, de ne pas respecter l’objectif constitutionnel de protection de l’environnement; compte tenu des effets nocifs possibles des installations sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats.
Ce faisant, pour les sages de la rue Montpensier, le législateur a respecté, avec ce nouvel article, cet objectif de protection de l’environnement.
Certes, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » mais, certaines limitations existent pour des motifs d’intérêts généraux et si elles sont proportionnées à l’objectif poursuivi. Ces limitations permettent d’autoriser, entre autres, un projet éolien.
Au-delà de cette présomption, le législateur a aussi entendu lever les blocages des opérateurs installant les radars de l’Armée ou de la Direction générale de l’Aviation civile – dont l’opposition à l’installation d’éoliennes est connue – à l’encontre des porteurs de projet éolien.
Un nouvel article L.515-45-1 du Code de l’Environnement incite les opérateurs éoliens à compenser la gêne provoquée par leurs projets sur les différents radars et ce, pour permettre une meilleure cohabitation entre radars et éoliennes. Ainsi, ces opérateurs peuvent prendre en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars ou fournir des données d’observation à Météo-France.
Pour autant, la loi du 10 mars dernier comporte aussi des mesures de freinage et non d’accélération de l’éolien.
Un nouveau concept fait son apparition dans le texte de loi: celui de saturation visuelle.
Les autorisations environnementales devront, selon l’article L.515-44 du Code de l’Environnement, tenir compte « du nombre d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 »
Cette notion est subjective : elle a la particularité de se situer à mi-chemin entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage, principes institués à l’article L.511-1 du Code de l’Environnement. Elle est aisément invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne – voir en ce sens, CAA DOUAI, 18 juillet 2022, n°21DA00632.
Il est à craindre, que ce concept de “saturation visuelle” donne lieu à de nombreux contentieux.
Au surplus, chaque schéma de cohérence territorial devra l’intégrer dans sa partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages – article L.141-1 du Code de l’Urbanisme.
Enfin, la loi crée des zones d’accélération des énergies renouvelables – article L. 141-5-3 du Code de l’Energie.
Une fois ces zones créées, chaque commune dispose d’un droit de véto sur son territoire pour s’y opposer. Certaines d’entre elles, défavorables à l’éolien pourraient l’exercer pour interdire ou freiner l’avancement des projets.
A la question, de savoir si cette loi est un réel coup d’accélérateur pour les projets éoliens, la réponse semble en demi-teinte : les mesures telles qu’elles sont annoncées vont certainement permettre de concilier plus aisément les intérêts environnementaux et ceux propres aux parcs éoliens.
Elles vont aussi probablement faciliter l’intégration et la compréhension des projets au niveau des territoires et des acteurs locaux.
Mais, la création de zones d’accélération ou la notion de saturation visuelle risquent à nouveau de les entraver..
En la matière, concilier tous les intérêts en présence n’est décidément pas chose facile !